Chez les femmes jeunes, le diagnostic de cancer du sein est souvent plus tardif et la maladie plus agressive que chez les femmes d’âge plus avancé. L’association Jeune & Rose est un collectif de femmes jeunes, ayant affronté un cancer du sein entre 20 et 40 ans, qui ont décidé de se mobiliser pour accompagner les jeunes patientes et mener des actions de sensibilisation auprès du grand public, notamment en matière de prévention et d’autopalpation. Quelles actions mènent en pratique ce collectif ? Qu’est-ce que l’autopalpation ? Quels sont les bons gestes ? Quels sont les bons moments ? Nous nous sommes entretenus avec Mmes Charlotte Lequeue et Solenn Ricordel, toutes deux ambassadrices de l’association Jeune & Rose. Nous vous partageons ici leurs conseils et recommandations.
Pourriez-vous nous expliquer quelles sont les actions et les missions du collectif Jeune & Rose ? Qu’est-ce que peut apporter votre association aux jeunes femmes, aux jeunes patientes et à leurs proches ?
Charlotte : Au sein de Jeune & Rose, nous menons trois grandes actions. Tout d’abord, il y a les « Tétonnantes » qui consistent en des rassemblements entre Pinkettes pour échanger sur des solutions face aux effets des traitements, telles que des turbans, ou encore pour parler entre nous, se sentir moins seule et se donner des conseils. Car, quand on a un cancer, on a toutes les mêmes problématiques, mais on n’a pas les mêmes problèmes voire les mêmes conséquences. Dans ce cadre, nous organisons par exemple des Pink Dressings permettant de s’échanger entre Pinkettes des accessoires qui nous ont servi pendant le traitement, tels que des franges à mettre en-dessous des turbans.
La deuxième grande action, ce sont les Alertes roses, qui ont pour but de sensibiliser les professionnels de santé sur le fait qu’on peut être jeune et avoir un cancer du sein. En effet, beaucoup de jeunes femmes connaissent un retard de diagnostic parce qu’on leur a dit qu’elles n’avaient pas d’antécédents familiaux et qu’elles pouvaient revenir plus tard. Mais malheureusement, le cancer évolue très rapidement. Enfin, la troisième action que nous menons sont les ateliers Pouet-Pouet que nous organisons dans les lycées, les universités, les entreprises, les forums santé ou encore les mairies, pour montrer comment pratiquer un auto-examen mammaire et apprendre à reconnaître les différents signes.

Nous programmons par ailleurs des expositions pour sensibiliser le public, telles que « Ma vie en Jeune & rose » à travers laquelle nous expliquons quelles sont les conséquences du cancer chez les jeunes femmes, ou « Les Krâneuses qui tétonnent » en collaboration avec Maquille mon Krâne qui consistent à mettre en beauté et en lumière des femmes qui n’ont plus de cheveux ou qui se sont faites reconstruire par prothèse ou à plat.
En tant qu’ambassadrice, j’anime des ateliers Pouet-Pouet auprès des jeunes. Pour cela, je montre les gestes d’autopalpation. Au cours de ces ateliers Pouet-Pouet, il y a aussi une partie « témoignage ». Parce qu’en témoignant, on va davantage sensibiliser. On va mettre un nom ou une image sur le cancer, parce qu’on se dit souvent que le cancer c’est loin, ce n’est pas pour nous. Face à un témoignage, on se dit : « Elle a eu un cancer, elle était jeune. »
Solenn : L’association Jeune & Rose s’adresse aux femmes entre 20 et 40 ans. On fixe ces limites car les femmes de cet âge ont des problématiques spécifiques en termes de grossesse, d’allaitement, de gestion des enfants, de relations amoureuses, de carrières, etc. Parfois, des femmes qui ont 45 ans ou plus nous demandent si elles peuvent nous rejoindre. Elles sont les bienvenues, tant qu’elles se retrouvent dans ces sujets de conversation. Notre but est que chacune trouve des réponses à ses problématiques personnelles, l’âge n’est finalement pas le 1er critère. Cela permet d’éviter que tout le monde soit déçu.
L’association s’adresse aussi aux patientes qui ont fini leur traitement et qui n’avaient pas ressenti le besoin de se rapprocher de l’association avant. Cela a été mon cas. C’est à la fin de ma radiothérapie, quand tout s’est terminé, qu’il y a eu une espèce de vague où tout m’est revenu dans la figure. C’est là que j’ai compris ce qui venait de se passer. L’association est ouverte aussi à des patientes qui ont terminé le gros des traitements, mais qui ressentent le besoin de rencontrer d’autres personnes et d’échanger.
Parmi les Tétonnantes proposées, nous organisons des rencontres plus ludiques telles que des rencontres sportives ou musicales, voire des spectacles. L’idée étant de se changer les idées, de passer un moment hors du cancer, de briser un peu la solitude. Car parfois, quand on est en arrêt maladie toute la semaine, on est toute seule à la maison parce que les conjoints sont au travail, les enfants sont à l’école, ou encore les amis ne sont pas disponibles. Cela permet de voir du monde au lieu de rester toute seule.
Les ateliers Pouet-Pouet sont organisés tout au long de l’année. À cette occasion, nous disposons de bustes qui cachent des tumeurs et qui permettent de montrer les gestes au public qui peut passer ensuite à la pratique. Cela permet de se rendre compte concrètement de ce à quoi peut ressembler une tumeur. Car on parle souvent d’une boule dans le sein. Mais concrètement, qu’est-ce qu’une boule dans le sein ? Cela permet au toucher de meix s’en rendre compte.
Ce qui est génial chez Jeune & Rose, c’est que chacune s’investit à la hauteur du temps qu’elle a ou qu’elle a envie de donner. On n’a pas de pression en tant que bénévole et c’est vraiment appréciable.

Le collectif est présent sur l’ensemble du territoire. Comment êtes-vous organisées ? Comment peut-on vous parler et participer à vos ateliers ?
Solenn : Nous sommes 110 ambassadrices, nous couvrons une bonne partie des territoires français. Le bureau de l’association se trouve à Bordeaux, étant donné que celle-ci y est née. Ce sont deux patientes qui se sont rencontrées à l’hôpital qui ont créé l’association en 2017. Pour les patientes qui sont isolées, qui vivent par exemple en milieu rural et qui n’ont pas de moyens de transport, nous organisons des rencontres en visioconférence avec des socio-esthéticiennes, des psychologues, des diététiciennes etc. pour apporter tout type d’aide à distance.
Pour nous joindre, il existe plein de moyens : via Instagram, notre site Internet, Facebook, ou encore par courriel. Nous avons des adresses e-mail par région et une adresse e-mail nationale. Si on n’a pas l’adresse e-mail régionale, on peut écrire à l’adresse e-mail nationale et c’est retransmis. Enfin, nous avons des groupes WhatsApp, auxquels les Pinkettes sont conviées une fois qu’elles ont adhéré, pour pouvoir échanger avec d’autres Pinkettes proches d’elles. Nous mettons aussi à disposition des podcasts. Il y en a donc pour tout le monde.
Vous militez pour l’autopalpation des seins. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cela est si important ?
Charlotte : L’autopalpation ne doit pas être anxiogène. C’est un geste de bienveillance pour bien se connaître. Ce n’est pas parce qu’on fera le geste qu’on trouvera quelque chose. Et si un jour on sent quelque chose, si on sent une différence, cela permet d’aller consulter. Dans 90 % des cas, ce n’est rien. L’autopalpation permet donc de mieux connaître sa poitrine et de sentir la moindre modification, le moindre changement. Chez Jeune & Rose, notre mantra est : « On se mate et on se tâte. » En effet, il faut se regarder parce qu’il y a énormément de signes visuels qui permettent de détecter un cancer du sein. Pour ma part, il y a eu un changement que j’avais vu mais je n’avais pas fait le rapprochement avec un cancer. Donc cela peut aider beaucoup de femmes.
Comment et à quelle cadence faut-il se palper les seins ?
On se regarde dans la glace une fois par mois à distance des règles et après on passe à l’autopalpation en elle-même.
Solenn : Certaines femmes font leur autopalpation sous la douche parce qu’avec le savon ça glisse mieux et c’est plus facile. Moi j’aime bien le faire en mettant de la crème hydratante pour que cela glisse bien aussi. Le plus important, c’est de trouver la technique avec laquelle on est le plus à l’aise.
Au fil des actions que vous menez, trouvez-vous qu’il y a une évolution dans la compréhension ou la perception de l’importance de l’autopalpation ? Avez-vous le sentiment que le sujet du cancer devient moins tabou ?
Il y a beaucoup de patientes dans notre association dont c’est le conjoint qui a détecté le cancer.
Charlotte : Je trouve que, dans le secteur professionnel, le tabou est tombé parce qu’avant on avait peur d’en parler parce qu’on craignait de perdre son travail. Maintenant, je trouve que, depuis que plusieurs personnalités du monde du travail ont rendu public leur cancer, cela ouvre la possibilité aux autres personnes de dire qu’elles ont un cancer et on voit que ce n’est pas parce qu’on a un cancer qu’on va être licenciée ou mise de côté.
Il y a aussi un changement sur la vision du cancer. Avant, on pensait que quand on avait un cancer, on allait mourir. Aujourd’hui, le cancer peut être mieux soigné, la maladie peut devenir chronique dans nombre de cas. Enfin, je trouve qu’au sein de la génération Z, il y a moins de tabous, on se dit plus les choses, on ose parler, on ose dire : « J’ai mal, j’ai quelque chose qui ne va pas. » Les mentalités changent de génération en génération.
Il y a beaucoup d’humour dans votre association, notamment au travers des noms que vous employiez pour vos activités.
Solenn : L’idée, c’est de ne pas faire peur. Le suivi n’est pas joyeux et peut faire peur. C’est pourquoi, nous avons voulu une communication très colorée, très joyeuse pour essayer de la dédramatiser et la rendre plus accessible aux jeunes pour que ceux-ci gardent, par exemple, un bon souvenir des ateliers Pouet-Pouet en se disant que c’était ludique et qu’ils aient confiance pour ensuite faire les gestes eux-mêmes. Il ne faut pas que ce soit quelque chose d’effrayant.
Pour conclure, quels conseils souhaitez-vous donner aux personnes qui vont lire ce blog ?
Solenn : S’il ne faut retenir qu’une seule chose, c’est de prendre soin de soi et d’être bienveillant envers soi-même ! Cela peut paraître bateau, mais je pense qu’on est dans une société où tout va vite, on a toujours plein de choses à faire. Moi la première, je suis très contente d’avoir toujours plein de choses à faire, mais je pense qu’il est important de prendre le temps d’écouter son corps, d’écouter ce qu’il a à nous dire et que parfois il y a des choses qui peuvent être révélatrices. L’autopalpation prend deux minutes par mois. Dans un cas comme le mien, ça m’a vraiment enlevé une belle épine du pied. Cela m’a évité la chimiothérapie et toutes les conséquences qui auraient pu en découler. Il est vrai qu’un cancer peut faire peur, mais finalement, à partir du moment où on a le diagnostic, on va pouvoir le soigner. Mieux vaut avoir ce diagnostic qui est difficile à entendre, mais qui permet d’avancer, plutôt que de se dire que j’avance dans le déni, parce que le cancer sera quand même là de toute façon.
Charlotte : Il faut se faire confiance. Personnellement, ce sont des douleurs qui m’ont alertée. Je me suis dit : « Ce n’est pas normal. » Comme je dis aux lycéens et aux étudiants : « Quand vous sentez que quelque chose ne va pas, quand il y a un doute, c’est qu’il n’y a pas de doute. » Il faut vraiment s’écouter. Et si on vous dit : « Vous êtes trop jeunes, vous n’avez pas d’antécédents», n’hésitez-pas à consulter un autre médecin pour avoir un second avis.
Pour en savoir plus sur l’autopalpation : Comment s’auto-examiner la poitrine ?
Cet article vous a intéressé ? Nous vous invitons à lire également l’article « Du dépistage à son traitement par radiothérapie, le témoignage de Laurence face au cancer du sein » : https://mesmomentsprecieux.fr/temoignages/du-depistage-a-son-traitement-par-radiotherapie-le-temoignage-de-laurence-face-au-cancer-du-sein/

