Témoignage de Sonja – Expliquer à des enfants en bas âge
Que l’on soit papa ou maman, une tâche difficile nous attend lorsque le diagnostic de cancer tombe : expliquer la maladie et ses conséquences possibles à nos enfants. En fonction de leur âge, les informations fournies seront plus ou moins détaillées. Trouver les bons mots n’est pas chose facile. Nous nous sommes entretenus avec Sonja, maman d’enfants en bas âge, pour savoir comment elle a vécu cette annonce.
Sonja a reçu son diagnostic de cancer du sein triple négatif il y a cinq ans. Ses deux enfants étaient alors âgés de 3 ans et d’un an et demi. Toute la famille était impatiente d’emménager dans sa maison récemment rénovée lorsque le diagnostic est tombé.
Quelles pensées vous ont immédiatement traversé l’esprit lorsque vous avez appris le diagnostic ?
Je vais être franche, je me suis dit : « Et merde ! ». J’ai pensé à mes enfants, au fait que je ne pourrais probablement pas les accompagner pour leur première rentrée scolaire. Les mécanismes biologiques de ce type de cancer étaient plutôt méconnus à l’époque et les pronostics n’étaient pas bons. Heureusement, cela s’est amélioré au fil du temps.
Vos enfants savaient-ils que vous étiez malade ? Leur en aviez-vous parlé ?
Mes enfants étaient encore tout petits et voulaient savoir pourquoi je pleurais si souvent. Je ne parvenais pas non plus à dissimuler ma peur. Quand je me suis fait opérer, nous avons dû leur expliquer mon absence et leur demander de faire très attention par la suite. Je leur ai expliqué également qu’il y avait quelque chose dans ma poitrine qui n’avait rien à faire là. Comme la « boule » était bien visible, ils ont pu la toucher. Ensuite, je leur ai dit qu’il fallait l’enlever, sinon elle me rendrait très malade.
Avez-vous préparé cette conversation ou cherché à vous renseigner en amont ? Auprès des médecins, par exemple ?
J’ai d’abord dû réfléchir à la façon dont je pouvais présenter la maladie à mes enfants, vu leur jeune âge. En allant sur Internet, j’espérais trouver des conseils sur la marche à suivre, mais c’était difficile à l’époque. Les médecins m’ont très peu aidée à cet égard. Ils s’arrêtaient aux faits et parlaient uniquement des procédures de traitement. Heureusement, j’ai bénéficié du soutien de psycho-oncologues. Ils m’ont recommandé des livres destinés à expliquer la maladie aux enfants atteints d’un cancer.
Souhaitiez-vous garder certaines choses pour vous ?
J’avais peur que ça se passe mal, que le traitement ne fonctionne pas et que je ne puisse pas voir mes enfants grandir. Je ne voulais pas qu’ils s’en rendent compte. Ma priorité était bien entendu qu’ils aient une enfance aussi insouciante que possible, ils étaient encore si petits. Cela m’a aidée de devoir me lever tous les matins pour les emmener à la crèche, y compris pendant ma chimiothérapie. Même si j’ai dû lever un peu le pied, cela a été bénéfique de conserver mon train-train quotidien. Ils n’ont pas remarqué que je suivais des séances de traitement. Ils ont uniquement perçu les changements extérieurs qui en ont découlé.
Comment la conversation avec vos enfants s’est-elle déroulée exactement ? Quelqu’un était-il à vos côtés ? Leur avez-vous annoncé la nouvelle individuellement ou ensemble ?
J’ai parlé à mes deux enfants en même temps, car ils sont dans la même tranche d’âge. Je préférais être seule pour voir leur réaction sans que personne ne nous dérange. J’ai cherché un petit coin douillet et je leur ai expliqué qu’il fallait m’enlever quelque chose. C’est tout. J’ai essayé de ne pas les submerger d’informations superflues. Le mieux, c’est de répondre simplement à leurs questions. Heureusement, ils n’en ont pas posé beaucoup.
Comment vos enfants ont-ils réagi ?
Je me rappelle encore à quel point ils avaient l’air mécontents en apprenant qu’il y avait une boule dans ma poitrine. Ils s’en faisaient une idée totalement différente. Ils ont voulu la sentir et je leur ai dit : « on dirait une cerise ». Eux aussi l’ont remarqué. Et puis j’ai ajouté : « il faut l’enlever, elle n’a rien à faire là ».
Avez-vous eu d’autres conversations avec vos enfants par la suite, une fois qu’ils étaient plus grands ?
Oui, nous en parlons souvent. Principalement parce que j’interviens dans des groupes de patients et d’entraide. Le sujet n’est donc jamais loin. Ils savent que j’ai été malade et que j’ai pris des médicaments qui m’ont fait perdre mes cheveux. Mais ils savent aussi qu’il faut être fort dans ces cas-là et que cela peut arriver n’importe quand, à n’importe qui.
Vos enfants gardent-ils des souvenirs de cette époque ?
Non, quand j’essaie de leur rappeler cette période, ils ne s’en souviennent pas. C’est un sentiment étrange parfois. J’ai une photo sur laquelle mes cheveux avaient repoussé de quelques millimètres seulement. Mes enfants m’ont dit un jour : « oh, maman, tu ne devrais plus te couper les cheveux aussi courts ».
Quels conseils donneriez-vous aux patientes qui se trouvent dans la même situation ?
Je pense qu’il est toujours important d’échanger, de se rapprocher d’autres personnes dans la même situation et de chercher des solutions d’entraide. Beaucoup de choses ont changé ces cinq dernières années, en particulier pour les patientes jeunes. Il existe de nombreuses associations et initiatives ou encore des blogs à l’intention des personnes atteintes d’un cancer et de leurs enfants. Ces ressources peuvent s’avérer d’une grande utilité. Oui, je conseille vraiment d’en parler. C’est extrêmement important pour le mental et j’admire la démarche des amis et des proches qui n’ont pas peur d’évoquer ouvertement le cancer avec le patient.
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